Arts Dealers

Pour commencer je tiens à préciser que cette rubrique ne contient aucun gros spoil (ouf !), cependant certains éléments des histoires seront quand même révélés pour nourrir la réflexion mais n’empêchent en aucun cas de regarder les films. C’est pourquoi, ceci s’adresse autant à ceux qui ont vu les films et qui désirent se pencher aux contextes ou aux thèmes, qu’à ceux qui en ont vu certains ou pas du tout et souhaitent s’intéresser aux sujets traités. Les thèmes sont traités sur ma propre interprétation des films et sur des recherches, vous pouvez ne pas être d’accord avec ces analyses (quoique vous n’aurez pas le choix !).
Les années 1970 ont été un tournant dans l’histoire du cinéma, et plus particulièrement pour le cinéma américain, qui sera ici le thème de cet article. Les années 1960 n’ont pas été un réel succès pour le cinéma américain et, poussé par la contestation due aux changements politiques et sociaux (Viet Nam, Watergate, libération sexuelle) de l’époque et la fin du code Hays (code de censure qui prit fin en 1966) le cinéma américain se renouvèle et se réinvente. C’est ainsi qu’on voit émerger de nouveaux genres de films (ultra violence, film d’artiste, …) et l’apparition de nouveaux acteurs (Robert de Niro, Al Pacino, ..) et réalisateurs (George Lucas, David Lynch, Ridley Scott, Steven Spielberg, …)
Les Films Américains des années 70
Les Films Ultras Violents
Les chiens de paille nous narre l’histoire d’un jeune intellectuel, David qui s’installe avec sa femme en Cornouailles (c’est où ça ?! Bin au Royaume-Uni) pour poursuivre ses recherches au calme. Ils engagent trois ouvriers pour rénover leur garage mais ces derniers ne vont pas tarder à jouer de mauvais tours au couple faisant ainsi monter la pression petit à petit. Arrive alors le jour où ils se retrouvent en confrontation directe avec les ouvriers. Le film aboutit alors à une confrontation violente, des deux parties aux enjeux multiples. Le film nous questionne alors sur les thèmes de l’autodéfense, du respect de la loi et de la violence qui se cache en chacun de nous. Doit-on laisser notre instinct primaire faire face au danger et se battre ou alors fuir ce danger et se référer à une autorité supérieure. Le héros, David, nous laisse entendre plusieurs fois durant le film qu’il est lâche. Mais il décide malgré tout à la fin de combattre ceux qui l’ont malmené durant tout le film. Doit-on voir là-dedans une forme de courage ou bien une forme de lâcheté ? Comment doit-on ou comment peut-on réagir dans ce genre de situation ? Toute la problématique du film se tourne autour de David qui se rend responsable de cette violence, de par sa lâcheté au début du film que par ses décisions qu’il va ensuite prendre. Le film a d’ailleurs été très critiqué à sa sortie et le reste tout autant aujourd’hui. En effet la conception de la violence y est vue par les critiques comme une forme de rédemption et une apologie fasciste de la violence et de l’autodéfense. Alors que d’autres y voient un film anti-violent qui dénonce les méfaits de la violence et ses conséquences et place l’incapacité de l’homme à communiquer comme principal responsable de la violence. On retrouve dans ce film les thématiques récurrentes des œuvres de Peckinpah, on y retrouve les concepts de l’autodéfense, de la recherche de la liberté et de son approche du viol (Quel pervers !) qui font de lui un réalisateur très controversé mais au talent incontesté.
Délivrance raconte l’aventure de quatre amis qui partent descendre une rivière avant que celle-ci ne soit détruite par la construction d’un barrage. Louis est celui qui organise la descente et semble diriger le groupe. On remarque rapidement que Louis semble contre le système et plus que descendre la rivière il souhaite avant tout la vaincre, la dompter avant que le système ne la détruise. Comme s’il souhaitait montrer au système qu’il est plus fort. Mais à travers les nombreuses péripéties qui vont leur arriver, Louis va être blessé et le seul espoir pour lui de survivre est de rejoindre la civilisation. Quelle ironie ! Eddy est celui qui va inciter ses deux amis Bobby et André à rejoindre l’expédition. Il se réfère à Louis pour toutes les décisions. Quand Louis ne sera plus apte à prendre les décisions il va devoir agir de lui-même et se laisser guider par son instinct de survie. Il va alors se demander comment on peut réagir dans une situation extrême (et par la même occasion va interroger le spectateur en lui demandant comment lui réagirait à sa place). Alors qu’il se réfère à Louis au départ pour toutes les décisions, André est là pour contrebalancer son jugement. En effet André représente la civilisation, il préfère s’en référer à la loi et par conséquent s’oppose à Louis. Mais quand les personnages vont lutter pour survivre, la civilisation n’a plus sa place. Bobby va quant à lui vivre des événements traumatisants durant cette aventure ce qui va produire une véritable transformation en lui. Délivrance est un film survival mais ce qui le différencie des autres c’est que celui-ci prend le temps d’installer une ambiance tout en traitant de plusieurs sujets comme l’opposition entre citadins et ruraux, l’enracinement à la terre et l’amour de la nature. Mais le film va plus loin en nous questionnant, le retour à la nature est-il un retour à la sauvagerie ? Film culte à voir et notamment la scène du banjo que je vous conseille vivement (non je vous oblige !) d’aller voir, je vous donne la vidéo ci-dessous :

Orange mécanique de Kubrick met en scène la vie d’Alex, chef d’un petit gang de voyous, les droogies. Alex et sa bande ont pour principaux centres d’intérêts le viol et l’ultra violence. Sa vie bascule le jour où il est arrêté pour meurtre et condamné à 14 ans de prison. Prêt à tout pour en sortir, il accepte de devenir cobaye dans une expérience scientifique. Ainsi il subit un « traitement de choc » qui le rend incapable de se battre, le traitement le rend même malade devant les scènes qui avant lui procurait du plaisir (le sexe et la 9eme Symphonie Beethoven). Alex est alors remis en liberté et se retrouve tourmenté et sans défense face à ses anciennes victimes et ses proches. Privé de choix et de plaisir il va alors perdre une part d’humanité (même s’il n’en avait pas forcement beaucoup avant) .Sans défense face à la société le jeune héros se retrouve alors perdu. La question de la violence se tourne alors autour du personnage d’Alex. La violence physique, psychologique et sexuelle du personnage a pour but de provoquer le spectateur, de le bousculer pour qu’il puisse s’interroger sur ses propres désirs. Mais le film va même plus en opposant les jeunes des banlieues, souverains anarchiques de la nuit, au système (ou l’Etat). Le film nous fait alors prendre conscience que toute morale est relative. En effet que ce soient le défoulement anarchique des jeunes ou la répression sévère et controversée d’un Etat très sécuritaire, la violence faite à autrui est toujours condamnable. Kubrick nous démontre alors que la violence engendre la violence, que c’est un cycle (Et oui cher lecteur la violence ne résout rien, aimez-vous !). Que ce soit pour Alex ou bien pour l’Etat, la violence qu’ils exercent se retourne toujours contre eux et ne s’arrête jamais. D’ailleurs à la fin du film Alex s’imagine une scène obscène sans éprouver de douleur physique et dit : « Oh oui, j'étais guéri pour de bon. » Preuve que le traitement n’a plus d’effet sur lui et que le cycle ne fait que recommencer .Une des principales critiques qu’a reçu le film à sa sortie porte sur la bande son. On l’accuse de rendre un visage séduisant à la violence alors que je pense qu’il faut plutôt y voir un ton ironique pour que le spectateur puisse garder un certain recul par rapport aux séquences choquantes du film. Le film a d’ailleurs été censuré au Royaume Uni jusqu’en 2000 soit après la mort du réalisateur (Ils sont sensibles ces rosbifs).




Le tournant est notamment marqué par trois films alors jugés ultra violent au tournant des années 1970. Les chiens de paille en 1971 de Sam Peckinpah, Orange mécanique en 1971 de Stanley Kubrick et Délivrance en 1970 de John Boorman. Pourtant quand on voit ces films on s’accorde à dire qu’ils sont violents mais de là à dire qu’ils sont ultra violent peut nous paraitre exagéré. Mais aujourd’hui la violence au cinéma s’est généralisée voire banalisée alors il nous est difficile de pouvoir juger ces films dans leur contexte. D’autant plus que la violence de ces films n’est pas la même que dans Rambo (2), on n’y voit pas un soldat américain étriper des soldats vietnamiens pendant une heure trente de film. Non le rythme de ces films est même parfois lent, très lent comme dans les chiens de paille. La violence s’inscrit dans plusieurs thèmes, elle est très psychologique. Les réalisateurs vont alors même jusqu’à tester les limites de la censure, n’hésitant pas à ajouter du contenu très violent.
Sur les thématiques de ces films, si vous souhaitez en regarder d’autres, voici quelques pistes :
Bonnie et Clyde de Arthur Penn, sorti en 1967, un des premiers films à briser plusieurs tabous.
Inspecteur Harry de Don Siegel, sorti en 1971 avec Clint Eastwood, avec un ton un peu plus léger que les films traités ci-dessus.